BÉNÉFICIAIRES EFFECTIFS : LES INFORMATIONS ACCESSIBLES PAR LE GRAND PUBLIC PORTENT UNE ATTEINTE DISPROPORTIONNÉE À LA VIE PRIVÉE

Par deux décisions jointes C-37/20 et C-601/20 du 22 novembre 2022, la CJUE décide que la directive anti-blanchiment de 2015 va trop loin dans l’atteinte à la vie privée des bénéficiaires effectifs, en mettant à disposition du grand public des informations trop détaillées.

Les deux affaires concernaient le registre des bénéficiaires effectifs Luxembourgeois. La Loi instituant le registre local des bénéficiaires effectifs, par application de la directive anti-blanchiment, imposait de mentionner des informations particulièrement détaillées : état civil, adresse personnelle, …

Ces informations étaient accessibles à toute personne notamment par internet.

La CJUE en conclut une disproportion entre l’objectif poursuivi et l’atteinte à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

Cette décision devrait impacter la France.

 

Sur le Registre des Bénéficiaires Effectifs français, plusieurs informations sont également accessibles au grand public : nom et nom d’usage, pseudonyme, prénoms, mois et année de naissance, pays de résidence, nationalité, nature et étendue des intérêts effectifs détenus dans la société ou entité. D’autres informations sont accessibles aux entités habilitées uniquement : jour de naissance, lieu de naissance, adresse personnelle, date à laquelle la personne est devenue bénéficiaire effectif. 

Les informations accessibles sur le registre français et celles accessibles sur le registre luxembourgeois sont quasi identiques à la différence près que le jour de naissance est également accessible au grand public sur le registre luxembourgeois. L’adresse personnelle est, tout comme en France, accessible uniquement à certaines personnes habilitées. 

La décision de la CJUE est donc facilement transposable au registre des bénéficiaires effectifs français.

La CJUE reconnait que le législateur de l’Union, en tentant de prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme poursuit un objectif d’intérêt général susceptible de justifier des ingérences, mêmes graves, dans les droits fondamentaux consacrés aux articles 7 (respect de la vie privée et familiale) et 8 (protection des données à caractère personnel), de la Charte de l’Union Européenne. Elle admet également que l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs est apte à contribuer à la réalisation de cet objectif. 

Pour autant, elle considère que le régime introduit par la directive anti-blanchiment représente une atteinte considérablement plus grave aux droits fondamentaux garantis par la Charte que le régime antérieur, sans que cette aggravation soit compensée par les bénéfices éventuels qui pourraient résulter du nouveau régime par rapport à l’ancien. 

Elle en conclut que l’ingérence que comporte la mesure anti-blanchiment dans les droits garantis par la Charte de l’UE, n’est ni limitée au strict nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi. 

 

Malgré cette décision, dans un communiqué diffusé le 19 janvier dernier, Monsieur Bruno Le Maire a indiqué vouloir maintenir l’accès du grand public aux données du Registre des bénéficiaires effectifs français. 

Il annonce néanmoins que les modalités d’accès à ces données seront définies prochainement afin de tenir compte de la décision de la CJUE. Mais sous quel délai ?

Affaire à suivre…

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