IMPOSITION DES ASSOCIES DE SEL : LE GRAND CHAMBARDEMENT !

La mise à jour BOFiP du 15 décembre 2022, concernant les modalités d’imposition des rémunérations des associés de SEL fait couler beaucoup d’encre depuis le 1er janvier 2023.

Rappelons que les professionnels libéraux peuvent exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux, de sociétés d’exercice libéral (SEL), ou pour certaines professions qui le permettent, de sociétés commerciales de Droit commun (SARL/SAS et SA).

Si le régime fiscal des sociétés soumis à l’IS n’apporte aucune difficulté, le régime d’imposition de la rémunération des associés professionnels est relativement plus complexe. A la grande surprise des professionnels l’administration fiscale a modifié sa doctrine le 15 décembre 2022.

Voir : (BNC ; BOI-RSA-GER-10-30, §520 ; 15 déc. 2022).

L’imposition des revenus d’associés de SEL 2022

Avant la mise à jour du 15 décembre 2022, l’administration fiscale considérait que :

  • les rémunérations des associés d’une société d’exercice libérale (SEL) qui exercent leur activité en son sein constituaient des traitements et salaires (voir BOI-RSA-GER-10-30, 12 sept. 2012) ;
  • les rémunérations des dirigeants de SELARL gérants majoritaires et des associés gérants de SELCA, devaient être imposées selon l’article 62 du Code général des impôts (CGI).

Signalons que le premier point allait à l’encontre de deux décisions du Conseil d’État des 16 octobre 2013 (décision n°339822) et 8 décembre 2017 (décision n°409429) qui avaient validé le principe de l’imposition des associés de SEL dans la catégorie des BNC (Bénéfices Non Commerciaux).

L’imposition des revenus d’associés à compter du 1er janvier 2023

Depuis la mise à jour du BOFiP pour déterminer le régime d’imposition, il convient de distinguer la rémunération relative au mandat social de celle relative à l’activité libérale « rémunération dite technique ».

Rémunération au titre du mandat social

Le régime d’imposition de la rémunération versée au titre du mandat social dépend de la forme juridique :

  • dans les SELARL, la rémunération du gérant majoritaire relève de l’article 62 du CGI (c’est à dire assimilé aux traitements et salaires) ;
  • dans les SELAS/SELAFA, la rémunération versée au titre du mandat social relève de la catégorie des traitements et salaires.

Rémunération au titre de l’activité libérale (rémunération technique)

La détermination du régime d’imposition des rémunérations relatives aux fonctions techniques doit ici prendre en compte un critère supplémentaire, celui de l’existence d’un lien de subordination avec la société :

  • en l’absence de lien de subordination avec la société, la rémunération au titre de l’activité libérale doit être imposée dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC ; BOI-RSA-GER-10-30, §520 ; 15 déc. 2022).

Une exception : Pour les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA, ces règles s’appliquent aux rémunérations qui leur sont allouées à raison de l’exercice d’une activité libérale, lorsqu’elles peuvent être distinguées des rémunérations qu’ils perçoivent au titre de leurs fonctions de gérant. Dans le cas contraire, elles demeurent imposées dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI.

  • en présence d’un lien de subordination avec la société, la rémunération au titre de l’activité libérale doit être imposée dans la catégorie des traitements et salaires.

Devant un tel revirement de doctrine et avec si peu de temps pour permettre aux professionnels de s’adapter, l’administration fiscale dans une nouvelle mise à jour BOFiP du 5 janvier 2023 trouve une certaine forme de raison en prenant acte du fait que certains contribuables n’étaient pas en mesure de mettre en œuvre l’application du régime BNC dès le 1er janvier 2023. Elle accorde ainsi une tolérance en reportant la mise en application de sa nouvelle doctrine à compter du 01/01/2024. Par conséquent les contribuables concernés pourront encore se prévaloir des règles antérieures jusqu’au 31 décembre 2023.  Cette tolérance concerne :

  • Les rémunérations des associés de SEL perçues au titre de l’exercice de leur activité libérale dans ces sociétés imposées auparavant dans la catégorie des traitements et salaires ;
  • Les rémunérations des associés gérants majoritaires de SELARL et d’associés gérants de SELCA, imposées auparavant dans les conditions prévues à l’article 62 du CGI.

Conséquences pratiques

L’impact de ce revirement de doctrine au BOFIP est relativement lourd de conséquences pour les praticiens et appelle de nombreux commentaires dans la mise en œuvre de l’imposition selon le régime des BNC.

  • L’imposition des rémunérations techniques dans la rubrique BNC fait perdre l’abattement de 10% pour frais professionnels que permettait l’imposition dans la rubrique salaire ou Art62. Soit un impact direct de 5773 € pour un professionnel disposant d’une rémunération supérieure à 128 290€ et imposé dans une TMI de 45%. La perte de l’abattement de 10% revient indirectement à majorer de 10% le TMI des professionnels concernés !
  • Le régime BNC impose aux contribuables soumis au régime réel, de tenir une comptabilité et produire une déclaration 2035 présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles (CGI, art. 99). Jusque-là, les professionnels n’étaient pas concernés par cette obligation qui rajoute un coût administratif (ouverture d’un compte bancaire professionnel) et un coût comptable pour la gestion de cette déclaration 2035. Rappelons que le régime BNC offre la possibilité aux professionnels d’adhérer à une Association de Gestion Agréée (AGA) qui permet de bénéficier d’une réduction d’impôt de frais de comptabilité plafonné à 915€ si le contribuable déclare des revenus (recettes) inférieur à 77 700€.
  • Le recours à la déclaration 2035 ouvre certaines opportunités, les contribuable pourront déduire leurs frais professionnels pour compenser la perte de l’abattement de 10% : frais de déplacements domicile lieu travail, frais de repas, frais de blanchissage, frais de téléphone, autres frais professionnels non pris en charge par la structure d’exercice, cotisations obligatoires ou complémentaires de prévoyance et de retraite non prises en charge par la structure d’exercice, rachat de trimestre de retraite…).
  • Les professionnels disposant d’une rémunération technique versée par la SEL d’un montant inférieur à 77 700€ en 2023 pourront choisir de déclarer leurs revenus BNC selon le régime Micro. Ils bénéficieront ainsi d’un abattement de 34% là où le régime Art62 ne permettait une déduction que de 10%. Situation pour le moins paradoxale…
  • La question de l’imposition à la TVA doit également être examinée. Si les rémunérations techniques versées par les SEL sont considérées comme des honoraires relevant de la catégorie des BNC, alors ces prestations devraient être assujetties à la TVA le premier jour du mois de dépassement du seuil de la franchise en base. Montant fixé à 39100€ en 2023.
  • Est-ce que le professionnel devra émettre des factures pour matérialiser le montant des rémunérations versées par la SEL ?
  • L’imposition sous le régime BNC devrait également engendrer l’imposition du professionnel à la CFE.
  • On pourrait également imaginer une situation un peu particulière ou le professionnel relevant des BNC pourrait opter comme tous les entrepreneurs individuels à l’IS. Option offerte depuis la loi de finances de 2022. Il pourrait ainsi décider de piloter le montant de sa rémunération en choisissant de disposer de dividendes ou de limiter le montant de celle-ci

Devant le flou et les différentes questions soulevées par ce revirement de jurisprudence de nombreux professionnels du chiffre et du droit ont interrogé par rescrit l’administration sur les modalités de mises en œuvre de ce nouveau mode d’imposition reporté exceptionnellement au 01/01/2024.

Vu le contexte et la quantité de questions soulevées les précisions de l’administration dans les semaines et mois à venir seront les bienvenues. En attendant le conseil supérieur de l’ordre des experts comptables a publié un tableau récapitulatif de l’imposition des associés de SEL à compter de 2023 avec possibilité de reporter la mise en application au 01/01/2024.

 

 

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